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2007/10/21

Fictions (Jorge Luis Borges)

Si le mot "fictions" a un sens, c'est plus dans ces quelques lumineuses pages que dans les sinistres pavés sous lesquels nos plages s'emmazoutent l'été. Je me demande parfois si le divin bibliothéquaire ne s'est pas réincarné dans le oueurldouaïde ouaibe... mais jamais ce dernier, en dépit de sa fulgurance et de sa foisonnance, ne parviendra à émuler ces innombrables jeux de (fausses) pistes, à renouveler cette prodigieuse dynamique neuronale.

Avec "Tlön, Uqbar, Orbis Tertius", Borgès nous livre quelques pages dégoulinant d'intelligence pure. Méfiez-vous en comme de la peste : par contagion, elles risquent de transformer vos étagères en un univers incertain, en permanente évolution. Et d'anéantir l'alignement parfait de vos romans préformatés.

Et surtout, dégustez ces "fictions" comme autant de preuves du génie de la littérature.

SM2003

Peut-on rire de la mort ?

Si je n'ai pas à proprement parler de maître à penser, Pierre Desproges est le philosophe que je respecte le plus. Sa plume brillante et sa certitude d'être au-dessus du lot le rapprochent d'un Nietzche, avec en prime l'humour (il en faut pour porter ces initiales et ce bouton au-milieu du front) et une profonde affection pour ses congénères. Un savoir-vivre au sens fort, de celui qui se sait mortel.
Je vous invite a vous (re)plonger dans son oeuvre. "Fonds de tiroir" n'en est certes pas le fleuron, mais vous trouverez ci-dessous un article que j'ai publié à l'occasion de sa parution (in "Synchro - Le magazine de l'ESSEC" n°12 - avril-mai 1990).

Stephane MOT 1990 et 2003


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PEUT-ON RIRE DE LA MORT ?

On dirait que c'était rien que pour de rire. Fierrot le Pou mort "d'une courte maladie rigolote", la bonne blague.



Il y a deux ans s'est éteint le plus grand auteur tragique francais d'après-guerre. Car si l'auteur tragique se caractérise par une conscience aigüe de sa propre mort, Pierre Desproges dépasse de plusieurs longueurs bon nombre d'écrivaillons persuadés d'être sérieux (certains se croient immortels, c'est tout dire...).

Ordoncques Monsieur Cyclopède nous offre quelques minutes nécessaires (mais ô combien insuffisantes) en rab. Post mortem. Par pudeur sans doute : "si c'est les meilleurs qui partent les premiers alors que penser des éjaculateurs précoces ?".

Bien sur il a fallu racler les "Fonds de tiroir". Bien sur, ça sent le réchauffé. Mais avec toutes les monstruosités qu'il a sorties de son vivant, Pierre Desproges ne pouvait décemment prétendre à autre chose qu'aux flammes de l'enfer.

Qu'est-ce qu'un type comme lui irait faire, du reste, dans un Paradis si tristounet ? "Le sabre dans une main, le goupillon dans l'autre, Jeanne d'Arc sut brandir jusqu'à la mort deux symboles phalliques pour proteger à jamais la fleur imprenable qui se fanait dans sa culotte d'acier trempé" (NDLR : l'acier, je précise).

Le bougre n'avait-il pas annoncé : "je résiste à la tentation de m'asseoir à la droite de Dieu de peur que ça soit bon. C'est par morale chrétienne." Alors quitte à se retrouver chez Satan, autant le mériter. Les (auto)portraits qu'il nous inflige sont sans concession : "c'est à cela que l'on reconnait les communistes : ils sont fous, possédés par le diable, ils mangent les enfants et en plus, ils manquent d'objectivité"...L'ultime cruauté de notre bouffon tragique aura donc été de nous distiller ce dernier recueil amer, histoire de se faire encore plus regretter. Y'en a un qui doit bien se marrer, en savourant avec Belzebuth un bon Bordeaux de derrière (et sur) les fagots.

Mets ta stase, Pierre : tu vas prendre froid.

Stephane MOT

Pierre Desproges "Fonds de tiroir" (Seuil) 69 (!) F